Qu’apporte l’agriculture numérique aux systèmes alimentaires de demain ?

Nous avons tendance à associer le monde numérique à l’immatériel, à une longue série de zéros et de uns qui nous permettent d’obtenir des informations instantanément, de choisir un itinéraire routier ou d’effectuer des transactions boursières en quelques dixièmes de seconde. Et face à ce maelström futuriste, nous continuons à considérer le paysage comme primordial, lent et tangible : la terre, l’eau, l’effort…
Mais en réalité, ces deux mondes se sont rencontrés il y a bien longtemps. La numérisation est arrivée sur le terrain pour répondre à des besoins très divers : qu’il s’agisse d’obtenir des prévisions météorologiques beaucoup plus précises ou de contrôler l’humidité d’un champ, d’analyser le microbiome du sol ou de connaître les prix d’un produit sur le marché international. Car tout peut se traduire par des données accumulées, interconnectées et analysées. Des données qui permettent d’alimenter des algorithmes et d’obtenir des outils de précision qui sont déjà parmi nous.
Ces innovations doivent nous aider à rendre l’agriculture plus résiliente et à améliorer nos systèmes alimentaires et doivent donc être conçues et utilisées pour devenir un levier permettant d’atteindre les objectifs de l’Agenda 2030 dans un avenir immédiat.
Saisir des données grâce à l’internet des objets
En 2019, le rapport de la FAO E-agriculture in Action. Big data for agriculture prévoyait déjà que l’agriculture serait l’un des secteurs qui générerait et consommerait le plus de données et déclarait ouvertement la capacité des outils numériques à nous aider à atteindre une agriculture plus efficace.
Mais de quoi parlons-nous lorsque nous parlons de données, comment sont-elles saisies, traitées et utilisées, et quelles sont leurs utilisations ?
Pour répondre à ces questions, nous avons visité un vignoble dans une prestigieuse région viticole d’Espagne. Il est survolé par un drone. La petite équipe survole les champs, prend des images qui arrivent peu après sur l’ordinateur du chef d’exploitation… et ce ne sont plus des images. Elles sont devenues une carte précise qui indique l’état des plantes avec une précision bien supérieure à celle que l’œil humain est capable d’établir : sur cette carte sont dessinées les zones de stress hydrique, celles qui sont moins vigoureuses, celles qui sont touchées par une maladie fongique… Grâce à ces données, la prise de décision devient précise : on n’irrigue que là où c’est nécessaire et on utilise la quantité minimale indispensable de produits phytosanitaires à l’endroit voulu, on identifie les obstacles et on planifie beaucoup mieux.
Les drones sont arrivés depuis longtemps dans nos champs pour nous fournir des informations détaillées sur les cultures et rendre possible l’agriculture de précision. Ils sont complétés par les satellites, qui fournissent également des données précieuses grâce à leurs images. Et ils ne sont pas les seuls, car chaque jour de nouveaux dispositifs capables de capturer des données sur les champs, les plantes et le bétail sont ajoutés. Ils collectent des données et les envoient via l’internet aux endroits voulus. L’agriculture utilise ces dispositifs dans les champs mêmes, mais les place aussi sur des outils agricoles, des quads ou des tracteurs. Et même des robots autonomes. Les apiculteurs commencent à les intégrer dans leurs ruches. Et les agriculteurs surveillent également leurs animaux de manière numérique.
L’objectif de tous ces efforts est toujours le même : disposer de données précises sur l’état d’une exploitation agricole afin de prendre de meilleures décisions. C’est la puissance de l’internet des objets (IdO). Les principaux avantages de la transformation numérique sont les suivants :
- éviter le gaspillage des ressources, de l’eau aux engrais
- polluer moins, en n’utilisant que les traitements strictement nécessaires
- un meilleur contrôle de la production grâce à une planification précise
- réaliser des économies considérables pour l’agriculteur.
Mais ce n’est que le début d’une nouvelle compréhension de l’agriculture.
L’intelligence artificielle au service de la recherche de solutions dans un océan de données
La photographie thermique ou spectrale d’une parcelle, lue par son gestionnaire avant de prendre des décisions, est un premier pas dans l’approche numérique. Mais que se passe-t-il lorsque les données sont multipliées ? Car à la connaissance apportée par le vol d’un drone s’ajoutent les données existantes (même sous forme de séries historiques) sur la météorologie, les images satellites ou les données de marché. Des données qui ne font que croître autour des quatre uves : Volume, Vélocité, Variété et Véracité.
Aucun être humain ne peut évaluer toutes ces informations. Mais l’intelligence artificielle le peut et, après une bonne formation, elle aura beaucoup à offrir au secteur primaire. Ses principales applications actuelles sont les suivantes :
- Fournir des prédictions de valeur. L’intelligence artificielle est capable d’analyser de vastes ensembles de données historiques et de les croiser avec les données qu’elle reçoit en temps réel, notamment les données météorologiques, les données relatives au sol et au type de culture. Elle peut alors générer des prévisions précises qui permettent aux agriculteurs de planifier leurs tâches, d’optimiser la production et de réduire l’incertitude.
- Anticiper les problèmes potentiels, en particulier ceux causés par les ravageurs et les maladies. Cela se fait par exemple par le traitement d’images, dans le cas des cultures, ou par l’analyse de la température ou d’autres paramètres physiologiques, dans le cas du bétail, et c’est le moyen le plus efficace de prévenir leur propagation.
- Améliorer la qualité de la récolte. Qu’il s’agisse d’un drone survolant un vignoble ou d’un tracteur équipé de caméras prenant des clichés d’un verger, l’important est que des logiciels artificiellement intelligents utilisent ces images pour calculer l’état d’une culture. L’important est qu’un logiciel à intelligence artificielle utilise ces images pour calculer l’état d’une culture. Il sera alors en mesure de suggérer la bonne quantité d’irrigation, de travail du sol ou d’engrais pour obtenir la meilleure qualité.
Les applications de l’intelligence artificielle sont nombreuses et ne cessent de croître. Aujourd’hui, nous avons déjà la possibilité de minimiser la consommation d’eau en utilisant un algorithme qui indique exactement la quantité d’eau dont une culture donnée a besoin, le moment où elle en a besoin et même l’activation et la désactivation de l’irrigation automatique. Nous pouvons également sélectionner des variétés adaptées au changement climatique en analysant les données génétiques et en utilisant des algorithmes d’apprentissage automatique. Ou encore cultiver dans des serres entièrement automatisées. Ou encore quelque chose d’aussi unique que ce que fait actuellement l’institut technologique AINIA de Valence : créer un robot autonome capable de ramasser les fruits tombés au sol après un orage pour les trier et, avant qu’ils ne soient complètement perdus, obtenir des sous-produits de qualité (dans cette vidéo, vous avez l’explication détaillée).
L’avenir est là. Mais… parlons-nous d’un avenir pour tous ?
Le défi de la réduction de la fracture numérique pour ne laisser personne de côté
Actuellement, dans le domaine de l’agriculture, il y a beaucoup de données disponibles, en format ouvert, mais il n’en va pas de même pour les outils d’intelligence artificielle capables de les interpréter. Or, il est très important que ces avantages numériques soient accessibles à tous, surtout si l’on considère que la majeure partie de l’alimentation mondiale dépend d’exploitations agricoles familiales.
C’est pourquoi la FAO a décidé de mettre les avantages de la numérisation à la portée de tous et de veiller à ce que personne ne soit laissé pour compte. Sa proposition ?
- Tout d’abord, il s’agit de fournir des données ouvertes, c’est-à-dire de les mettre à la disposition de tous ceux qui en ont besoin.
- Deuxièmement, encourager l’utilisation et l’adoption des technologies numériques dans le monde entier grâce à des approches simples et accessibles.
- Et enfin, promouvoir les investissements publics qui vont dans ce sens.
Sur cette voie, la FAO a rejoint l’Alliance des biens publics numériques à la mi-2022, une organisation qui compte sur les outils numériques pour aider la planète à atteindre les Objectifs de développement durable à la date prévue. « Faire partie de cette Alliance renforce l’engagement de la FAO à exploiter le potentiel de l’agriculture numérique en garantissant l’inclusivité et en réduisant la fracture numérique entre les pays et les régions grâce à un accès abordable aux technologies numériques, à la culture numérique et aux biens publics numériques », a déclaré Maximo Torero, économiste en chef de la FAO.
Jusqu’à présent, quatre biens publics numériques ont été créés :
- La plateforme géospatiale Hand in Hand, qui donne accès à des millions de couches de données provenant de différents domaines et sources, y compris FAOSTAT, qui comprend des données sur l’alimentation et l’agriculture de plus de 245 pays et 35 régions, de 1961 à l’année la plus récente disponible.
- Le portefeuille de services numériques de la FAO, qui étend notamment les services agricoles pour les petits exploitants et les agriculteurs familiaux.
- La base de données en libre accès sur la productivité de l’eau, qui fournit des données en temps quasi réel pour surveiller la productivité de l’eau dans l’agriculture à différentes échelles.
- Et Open Foris, qui aide plus de 30 000 personnes dans 180 pays à collecter, analyser et communiquer des données sur l’utilisation des sols.
Oui, l’avenir, c’est aujourd’hui. Mais il nous appartient de veiller à ce qu’il soit pleinement inclusif.